Pour s’attaquer à la mainmise des banques et des brokers sur les très lucratifs marchés des changes et des paiements internationaux, les fintech misent d’abord sur la simplicité d’usage pour l’utilisateur. « La solution Yseulis ou Dynamic Hedging se distingue par une expérience digitale qui n’a rien à voir avec la complexité des outils de trading proposés par les banques », assure les deux nouveaux acteurs du marché. « Avec Yseulis comme avec Dynamic Hedging, la gestion du risque lié aux opérations de change est entièrement automatisée. Cette solution se fonde sur la politique de gestion du risque de change prédéfinie par l’entreprise et sur les données relatives à l’exposition transmises par les ERP ou TMS des clients », explique Sébastien Oum et d’autre part Philippe Gelis. Sébastien Oum précise : « notre logiciel monitore en temps réel l’évolution des taux de change mais laisse le Client couvrir les risques avec ses banques. Une valeur ajoutée pour l’entreprise qui ne veut pas changer de prestataires»
DES PROCESS SIMPLIFIÉS GRACE A L’AUTOMATISATION
La simplicité s’applique aussi aux process imaginés par ces nouvelles offres digitales. « Lorsque vous travaillez avec une banque traditionnelle, cette dernière assure la partie paiements, la salle de marché traitant, elle, les couvertures, rappelle Nicolas Charbonnier, président de Mondial Change, qui compte déjà parmi ses clients plusieurs centaines de TPE et PME. Chez nous, plus besoin de décrocher son téléphone ou d’envoyer des fax pour valider un paiement ou une couverture. Nos clients peuvent, sur une même plate-forme, depuis leur smartphone ou leur tablette, gérer leurs paiements internationaux dans plus de 140 devises et piloter leur stratégie de couverture du risque de change de manière totalement dématérialisée. » Cette simplicité d’usage a convaincu Patrick Velut, directeur général adjoint de VitrineMedia, une société qui fabrique et commercialise des systèmes d’affichage pour les agences immobilières, de travailler avec Yseulis, site internet : www.Yseulis.com. « Cette plate-forme digitale a effectivement simplifié nos process. Sur une seule et même interface, j’ai une vue de l’ensemble des données clés de notre politique de change, et je sais très précisément où nous en sommes par rapport à ce que nous avons budgété, confie Patrick Velut. Je peux consulter les contrats à terme de toutes nos banques, mais aussi les cours interbancaires des différentes devises, parcourir le calendrier économique, ou déterminer des seuils d’alerte sur les taux change utilisés dans mon activité. Autant d’informations que je devais auparavant aller chercher sur plusieurs sites. »
DES TAUX DE CHANGE EN TEMPS RÉEL
Pour se faire une place au soleil, les fintech comptent également sur leur capacité à injecter du temps réel dans les opérations de change, « chose que les banques ne savent pas faire puisqu’elles se contentent de proposer des fixing sur des plates-formes de paiement », rappelle Pierre-Antoine Dusoulier, CEO d’iBanFirst, qui revendique 1.500 clients, essentiellement des PME et des ETI qui, en 2017, ont généré 1,2 milliard de volumes de transactions. Mais l’argument principal mis en avant par les fintech est la transparence. « Sur Kantox, le client voit le taux de change interbancaire des devises en temps réel. Et comme notre commission, qui tourne autour de 20 ou 30 points de base, est indiquée séparément, nos tarifs sont totalement transparents, assure Philippe Gelis. A contrario, la majorité des banques et des brokers ne vous indiquent pas le cours interbancaire. Donc c’est à vous d’aller rechercher la marge appliquée, qui oscille en général autour de 100 points de base. » Cette double promessse de transparence et de prix compétitifs a convaincu il y a un an Rudy Achache, le directeur général de Bensimon, de confier ses paiements internationaux à iBanFirst. « Nous réglons chaque année plusieurs millions d’euros à nos usines de fabrication situées en Europe de l’Est et en Asie, confie le dirigeant de cette entreprise de prêt-à-porter et d’art de vivre, présente dans 35 pays à travers le monde. Auparavant, ces volumes étaient gérés par un pool de partenaires bancaires, mais cela nous laissait la désagréable impression de ne jamais savoir exactement ce que nous payions. Nous n’avions aucune visibilité sur les frais de change facturés, sur les taux de change en temps réel, et sur l’évolution du cours des devises. Sur iBanFirst, les frais associés sont affichés de manière transparente, et nous savons à l’avance quel taux sera réalisé. » Cette transparence s’est d’ailleurs traduite dès la première année par une économie d’environ 1 % sur le volume de change de l’entreprise.
De son côté, Yseulis a choisi un positionnement sensiblement différent puisque sa plate-forme permet aux entreprises de mieux appréhender les risques de change tout en continuant de travailler avec leurs banques traditionnelles. « Notre objectif est d’aider les entreprises à optimiser le pilotage de leur stratégie de change en agrégeant l’ensemble de leurs données avec celles de leurs partenaires bancaires, souligne Sébastien Oum, son fondateur. La direction financière peut ainsi voir en temps réel l’impact de ses stratégies sur les résultats de l’entreprise. » Sur la plate-forme, Patrick Velut voit ainsi instantanément la différence entre le coût interbancaire et le coût commercial de sa banque. « Cela me donne des arguments pour négocier de meilleurs taux de change sur les contrats à terme et opérations au comptant lorsque je suis au téléphone avec la salle de marché », se félicite le dirigeant.
LES GRANDS GROUPES RÉTIFS
Avec ces arguments, les fintech ont d’abord séduit une clientèle de TPE, PME et ETI explique Nicolas Charbonnier de Mondial Change. Pour une raison toute simple : « Quand les grandes banques imposent des seuils minimums autour du million d’euros pour accéder à leur salle de marché, chez nous, toute société qui traite un volume de change de 200.000 euros dans l’année peut bénéficier de nos services. » Les grands groupes restent, eux, pour l’instant rétifs à l’idée de travailler avec ces jeunes pousses. « Collaborer avec une fintech poserait un problème de visibilité de notre stratégie à notre direction générale. Elle ne comprendrait pas que l’on fasse des choix opportunistes ou qui ne s’expliqueraient pas bien, reconnaît le trésorier d’un groupe du CAC 40. Et comme à ce jour, je n’ai pas encore identifié « la » fintech qui offrirait suffisamment de valeur ajoutée, nous allons continuer de travailler avec notre pool d’une douzaine de grandes banques
LA PAROLE À…
Quel regard portez-vous sur les fintech spécialisées dans la couverture des changes ?
« Elles ont attaqué le marché en essayant d’abord de démontrer aux corporates que les marges appliquées par les banques en matière de couverture de change étaient trop élevées. Elles ont donc baissé de manière drastique les marges, en se concentrant dans un premier temps sur le spot et les forward à court terme car ces opérations présentent moins de risques pour les corporates. Elles ont dans le même temps instauré des primes « flat », basées sur l’état du marché et non pas, comme le font les banques, sur les volumes, la typologie du client ou le rating. En un sens, elles ont contribué à démocratiser la couverture de change. Mais comme les banques ont rapidement réagi en baissant elles aussi leurs marges, ces fintech ont activé d’autres leviers pour continuer de se différencier. »
Quels sont ces autres leviers activés par les fintech pour se différencier ?
« Elles ont cherché à proposer une expérience utilisateur plus digitale et plus dynamique. Avec des process automatisés, des outils d’aide à la décision, du monitoring, un accompagnement proactif sur le pilotage des stratégies de couverture… Elles ont également élargi leur offre à des devises comme le yuan chinois, le real brésilien ou le naira nigérian sur lesquelles les grandes banques se contentent de proposer des NDF (non deliverable forward). La plupart de ces nouveaux acteurs proposent enfin une solution de gestion des paiements internationaux intégrée à l’outil de pilotage des couvertures. »
Que représentent ces fintech sur le marché ?
« Difficile de répondre à cette question. Elles ont d’abord séduit des PME et des ETI qui sont moins sensibles au risque de contrepartie que les grands groupes. Ces derniers continuent, eux, de faire confiance à leurs partenaires bancaires qui couvrent tout le scope de leurs besoins. Pour autant, je sais que quelques grands corporates s’apprêtent à effectuer des tests avec des fintech et que des établissements bancaires sont en train de négocier des accords avec certaines pour pouvoir exploiter leur technologie en marque blanche. Ce type de partenariat peut avoir du sens car ces start-up pourraient ainsi accéder de manière indirecte aux grands comptes. Les grandes salles de marché pouvant, elles, toucher une nouvelle clientèle de PME plus compliquée à prospecter. »
Vous pouvez retrouver l’article directement sur le site de l’AGEFI